Depuis plusieurs années, le sujet des « ralentisseurs illégaux » fait grand bruit auprès des collectivités locales et des automobilistes. En cause, près de 400 000 ralentisseurs sont jugés non conformes par certaines associations.
Pour mettre un terme à ce bras de fer, le gouvernement prépare une modification des règles afin de régulariser ces installations. Ce feuilleton qui touche au cœur des aménagements routiers soulève de nombreuses questions.
Que faut-il vraiment savoir ? On fait le point.
Une bataille juridique autour de 400 000 ralentisseurs
Tout a commencé avec deux associations très actives : la Ligue de Défense des Conducteurs (LDC) et Pour une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD). Elles dénoncent des ralentisseurs non conformes au décret n°94-447 du 27 mai 1994 qui fixe des normes précises.
Par exemple, la hauteur des dos-d’âne ne doit pas dépasser 10 cm, la longueur des ralentisseurs trapézoïdaux doit varier entre 4 et 10 mètres et ces dispositifs sont interdits sur les voies à forte circulation. En plus, ils doivent toujours être associés à d’autres aménagements pour garantir la sécurité.
Pourtant, dans les faits, de nombreuses collectivités se basent sur les recommandations du Cerema, un organisme spécialisé dans l’étude des aménagements routiers. Ces préconisations ne respectent pas toujours toutes les normes du décret de 1994.
Ce décalage entre la réglementation officielle et la réalité du terrain est à l’origine du conflit. En conséquence, ces 400 000 ralentisseurs sont considérés comme illégaux par certains. Cela crée un vrai malaise entre élus, usagers et autorités.
Le Conseil d’État tranche… mais sans solution radicale
Le dossier a fini devant le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française. Le verdict est clair : ces ralentisseurs ne respectent pas la réglementation en vigueur.
Cependant, le Conseil d’État refuse leur destruction pure et simple en invoquant le principe d’« indestructibilité des ouvrages publics ». Cette décision met les mairies dans une position compliquée.
En effet, les associations alertent : « les élus pourraient être poursuivis au civil et au pénal en cas d’accidents liés à ces ralentisseurs ».
Une nouvelle réglementation pour débloquer la situation
Face à cette impasse, le gouvernement a décidé d’agir. Le ministère des Transports prépare un nouvel arrêté destiné à élargir et clarifier les règles autour des ralentisseurs.
Cet arrêté définira précisément les caractéristiques des cinq types de ralentisseurs ainsi que leurs conditions d’implantation sur la chaussée. L’objectif est donc de concilier le décret de 1994 avec les recommandations du Cerema pour mettre fin à la confusion.
Ce changement vise à calmer les tensions et à assurer la pérennité des aménagements routiers. Officiellement, le gouvernement souhaite favoriser « l’apaisement de la circulation » et garantir « une cohabitation harmonieuse entre tous les usagers de la route ».
Les associations ne l’entendent pas de cette oreille
Les deux associations à l’origine du combat restent très critiques. Elles voient dans cette modification une véritable trahison. Selon elles, cette décision est « purement politique ». Elle sacrifierait la sécurité routière pour ménager les élus locaux et défendre les positions du Cerema.
Antonin Morelle, président du PUMSD, va même plus loin. Il accuse le gouvernement de porter « atteinte à l’État de droit et à la sécurité juridique ». Il dénonce un affaiblissement de l’autorité des juges administratifs et une perte de confiance dans le droit applicable.
En d’autres termes, en cherchant à contourner la décision du Conseil d’État par une modification réglementaire, le gouvernement s’expose à de vives critiques pour avoir fragilisé des principes fondamentaux.