C’est désormais officiel : les dauphins et les orques ont dépassé le point de non-retour dans leur évolution, les empêchant de revenir vivre sur la terre ferme.

Une étude scientifique publiée en juillet 2023 dans Proceedings of the Royal Society B vient bouleverser notre vision des mammifères marins. Selon cette recherche, les dauphins et les orques ont franchi un seuil évolutif dont ils ne pourront plus revenir : ils sont aujourd’hui totalement ancrés dans la vie aquatique, incapables de retourner sur la terre ferme. Ce constat révèle des mécanismes d’adaptation impressionnants, mais pose aussi de lourdes questions sur leur avenir face aux bouleversements de l’environnement.

Le tournant irréversible des cétacés

Bruna Farina, chercheuse à l’Université de Fribourg, a analysé plus de 5 600 espèces de mammifères pour comprendre les étapes de l’adaptation à la vie marine. Son étude démontre qu’il existe un véritable point de rupture entre une adaptation partielle et une spécialisation totale. Les dauphins et orques ont franchi ce cap, subissant des changements profonds qui les coupent définitivement de la vie terrestre.

À l’origine, ces animaux descendent d’ancêtres qui vivaient sur la terre ferme. Mais au fil du temps, leur corps s’est transformé radicalement pour survivre dans l’océan : leur masse s’est accrue pour mieux conserver la chaleur dans les eaux froides ; leur régime alimentaire est devenu exclusivement carnivore, adapté à un métabolisme très énergivore.

Des adaptations qui les enferment dans l’océan

Ces transformations, si efficaces dans l’eau, deviennent un véritable piège hors de ce milieu :

  • Corps hydrodynamique pour nager vite et sans effort ;
  • Système respiratoire adapté aux plongées longues, lié à l’eau ;
  • Membres transformés en nageoires, rendant impossible la marche sur terre.

Ces modifications, si bien pensées pour la vie marine, empêchent tout retour vers un mode de vie terrestre. Cette réalité confirme une vieille règle de l’évolution appelée « loi de Dollo », selon laquelle certaines évolutions sont irréversibles.

Une histoire d’évolution à sens unique

Sur Terre, les passages entre eau et terre ont jalonné l’histoire des espèces. Il y a environ 375 millions d’années, des poissons ont quitté l’océan pour conquérir la terre, donnant naissance aux premiers tétrapodes. Inversement, certains mammifères sont repartis vers la mer. Mais parmi eux, seuls les dauphins et orques ont atteint un niveau d’adaptation si poussé qu’un retour en arrière est devenu impossible.

Les scientifiques classent les animaux selon leur lien avec l’eau :

  • Espèces strictement terrestres ;
  • Créatures amphibies, capables d’évoluer dans les deux milieux ;
  • Espèces semi-aquatiques, qui privilégient l’eau mais gardent une mobilité terrestre ;
  • Mammifères entièrement aquatiques, comme les dauphins et orques.

La spécialisation extrême des cétacés les enferme donc dans un monde marin dont ils dépendent entièrement.

Des conséquences lourdes pour leur avenir

Cette avancée scientifique éclaire d’un nouveau jour la vulnérabilité des mammifères marins. Face aux dérèglements climatiques et à la pollution des océans, ces espèces n’ont plus la possibilité de s’adapter en changeant d’habitat. Leur vie est désormais intimement liée à la santé des écosystèmes marins.

Virag Sharma, expert en génomique comparée à l’Université de Limerick, recommande d’étendre ces recherches à d’autres groupes d’animaux pour savoir si cette irréversibilité est une règle commune dans l’évolution.

Ces découvertes offrent aussi un regard inédit sur la manière dont les espèces très spécialisées peuvent réagir aux changements environnementaux. La trajectoire unique des dauphins et orques illustre que certaines adaptations, si elles sont très efficaces sur le moment, peuvent devenir des impasses à long terme.

Ce constat met en lumière l’importance capitale de renforcer les efforts pour protéger ces animaux fascinants, dont le destin est désormais lié à celui des océans, qu’ils ne peuvent plus quitter. Une question se pose alors : comment ces géants marins vont-ils affronter les défis de demain dans un monde en pleine mutation ?